- Si tu te fais tatouer, je le fais aussi
- Tu te dégonfles pas !
- Mais non...
- Il faut qu'on trouve un bon tatoueur
- Il y en a dans Greenwich...
Un coup de yellow Cab et nous nous retrouvons Downtown. On est à Greenwich sur la 7e rue. Il s'agit d'un quartier séduisant, calme proche de la NYU. Il y a beaucoup d'étudiants, de bars, de sex shops, et de boutiques de tattoos. Ces dernières sont souvent signalées par des néons rouges explicites. La pression commence à monter. Je ne me ferai jamais tatouer une tête de mort avec des vers qui lui sortent du nez! Pas possible. "Hi guys, may I help you". Nous répondons gentiment à la serveuse que nous ne sommes pas intéressés et repartons dans notre quête du bon motif.
Trois boutiques et plusieurs dizaines de planches plus loin nous entrons dans un nouveau salon. On entend du rap dans la boutique, c'est motivant. Les catalogues sont épais, il y a beaucoup plus de choix,on tourne les pages et nous nous choisissons des motifs tribaux. Nous sommes des débutants en tatouage... Nous faisons en quelques minutes un choix qui selon les vrais passionnés se prépare en plusieurs mois. Nous n'y connaissons rien mais on s'en fout... Pour moi, ça sera entre les omoplates et pour Simon sur l'épaule droite. Putain on a 15 ans... Je tremble un peu, m'approche du comptoir avec le motif. C'est parti !
Simon passe en premier.
- How much time does it take ?
- For life man.
Ca doit durer 20 minutes. Simon demande s'il est possible d'appliquer un peu de lisocaïne sur la zone où l'aiguille va injecter l'encre sous la peau. "No guy, that's not how we do. You'll never find anybody in the world doing this. You got to feel your tatt'". On appréhende la douleur. Le cérémonial commence. Le tatoueur, s'appelle Juan, il nous montre son travail. Il veut nous rassurer, il a déjà fait des trucs bien plus compliqués. C'est vrai, on regarde son book. On scotche sur l'épaule d'un type marqué d'un nom féminin. Il devait vraiment croire que l'amour dure toujours. Simon s'assoit dans le fauteuil. Un gros fauteuil noir, en skai déchiré. Tout est stérile, Juan est fier de nous préciser que son magasin est safe en déchirant les emballages d'aiguilles. Il fait une copie du modèle choisi. Applique une espèce de décalcomanie sur la zone à tatouer. Il prépare la vaseline et branche le dermographe. On risque une dernière question :"Est-ce que ça fait mal ?". Juan sourit, et nous répond que ça fait un peu mal mais rien de bien terrible.
Je reçois un coup de fil de Paul, il arrive. Il veut assister à la scène. Le travail commence. BZZZZZZ, l'aiguille commence à frapper l'épaule de Simon. Le bruit est impressionnant et l'odeur âcre envoutante.
- Ca va, ça fait pas trop mal. Si en fait ça picote un peu. Mais ça va ça se supporte. T'as pas envie de me raconter des trucs ?
- Si, si... Tu sais qui gagne entre superman et Batman ?
Le dessin prend forme,les lignes du décalcomanie se remplissent d'encre indélébile. C'est magique. Simon grimace. Je lui demande si ça va. Il me dit qu'il a mal. Et puis au bout d'un moment, ça passe. Il est anestésié. Il va mieux, il grimace moins, serre moins la machoire, relache ses poings fermés. Les 20 minutes sont passées. Le tatouage est terminé, la tortue tribale a pris place sur l'épaule de Simon. Elle l'accompagnera toute sa vie.
C'est mon tour. Je tremble un peu. Paul est à coté de moi. Il se demande si je vais aller jusqu'au bout. Je la veux ma marque. Je m'installe sur le fauteuil doucement. Je souffle un bon coup. Je baisse la tête. Juan peut commencer son travail. Fabiola et Simon prennent des photos, je fais semblant de sourire. Putain, ça fait mal. Ca fait juste trois minutes, que le BZZZZ a commencé, trois minutes d'une douleur lancinante. Trois minutes, encore trente sept à sentir l'aiguille exploser mon épiderme, à sentir l'encre s'insinuer sous ma peau.
Simon s'est absenté et revient avec un sujet de conversation passionnant. Il a décidé de me parler de piercing et des photos qu'il a vu dans la boutique : une collection incroyable de P.A. "Ca doit faire mal!!!." C'est clair que ça doit faire mal. Mais en ce moment je suis en train de jongler sévère et ça pourrait m'aider de me changer les idées. C'est pas difficile de parler de cheesecake, de jolies filles, de putes en Thailande... De trucs agréables quoi! Et ben non, lui ça l'éclate de parler de truc super glauques et de bites percées alors que ça fait 38 minutes qu'une aiguille me défonce la peau. C'est bientôt terminé. Je fais le compte à rebours dans ma tête. "Done ! Uh, it was long. You see I didn't lie, it doesn't hurt so bad. Look at it in the miror. Do you like it ?" Bien sûr que je l'aime, j'ai trop souffert pour ne pas l'aimer!
Il y a 7 ans
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